Pour les JO, Paris 2024 et la RATP se musclent sur la Data
La France est bien décidée à faire de Paris 2024 un symbole de son attractivité. La RATP jouera un rôle central dans ce rendez-vous mondial et auquel elle se prépare, notamment sur le volet Data.
Du 26 juillet au 11 août, la capitale française accueillera les Jeux Olympiques. Ce rendez-vous sportif, Emmanuel Macron souhaite en faire "un formidable moment de fierté française et de célébration". Lors de ses vœux à l’Insep, le chef de l’État a assuré que tous les défis étaient en passe d’être relevés. Ces défis, c’est notamment celui des transports.
Garantir la qualité des transports durant les JO passera, entre autres, par l’innovation technologique. Gilles Tauzin, directeur de l’innovation pour la RATP, était présent à Porte de Versailles pour détailler les moyens mis en place pour la grande fête du sport. Le challenge s’annonce complexe néanmoins.
Estimer l’affluence et gérer les flux au cœur du dispositif
“Estimer les flux demeure une tâche extrêmement complexe (...) Nous menons de nombreux travaux autour de la gestion des flux, de la mesure de l’affluence dans nos espaces et de la manière dont elle se répartit.”
A cette fin, la RATP dispose d’algorithmes d’IA utilisés pour le comptage anonymisé. Ces IA sont reliées à des images captées par des caméras. Fin novembre 2023, le projet de caméras intelligentes était encore en expérimentation. L’ambition, c’est un déploiement à l’échelle permettant une analyse des images, sans leur conservation ou de reconnaissance faciale.
“Pour l’usage des décomptes, la caméra est assez pratique. Elle nécessite toutefois de disposer de pas mal d’IA en edge”, précise Gilles Tauzin. A la vidéo s’ajoutent d’autres systèmes de captation “regardés en parallèle et qui vont potentiellement nous permettre de compléter l’information.” Il s’agit par exemple de la pesée permise par les voitures sur certains trains.
Un croisement des données collectées doit ainsi contribuer à un affinement de la mesure de l’affluence. La technologie sert d’autres applications, par exemple dans le domaine de la maintenance prédictive. Cet usage de l’IA appliqué aux moyens de transport et aux équipements a pour but de réduire les perturbations.
Le multilingue, essentiel notamment pour communiquer de l’info voyageur, est une autre problématique business à la RATP. L’entreprise s’y attaque au travers du projet Tradivia portant sur le conversationnel et sur la transcription automatique de messages lors de perturbations. Projet “au long cours, il s’enrichit progressivement de langues supplémentaires.”
Recharger les bus électriques au meilleur coût
Sur le transport de voyageurs, la RATP développe également des technologies et des compétences en matière de gestion de flottes de bus électriques. Ces véhicules introduisent des spécificités, dont la gestion de la charge.
La Régie expérimente ainsi une technologie permettant de recharger les bus au meilleur moment, c’est-à-dire “lorsque l’énergie est la moins chère et la moins carbonée. C’est une information [tarifaire et carbone] dont nous disposons.”
Certains centres de la RATP sont équipés pour opérer du “smart charging”. La RATP a défini un programme de renouvellement de son parc prévoyant la suppression du diesel au profit de bus électriques ou roulant au biogaz.
Pour optimiser ses opérations, la RATP pourra notamment compter sur son partenariat avec le comité d’organisation de Paris 2024, une structure provisoire fondée en 2017. “Toutes les données et les analyses produites sont partagées avec nos partenaires transport”, déclare Guillaume Martinetti, Responsable Data & Analytics chez Paris 2024.
Des échanges et collaborations sont prévues, par exemple pour dimensionner le plan de transport et permettre des interconnexions entre les applications mobiles des partenaires “afin de garantir la cohérence de l’information pour le spectateur.” La donnée sera centrale dans la gestion des JO.
Direction Data au comité d’organisation : une première
Gilles Lucien, Partner pour Deloitte, précise d’ailleurs que la création d’une direction Data au sein d’un comité organisateur (2000 salariés fin 2023 et 4000 lors des JO) est une première. La donnée collectée par Paris 2024 “provient essentiellement des fans, des spectateurs et des officiels accrédités”.
Son utilisation, destinée “à améliorer les Jeux”, porte sur trois axes principaux : la performance commerciale (analyse des ventes et de la stratégie e-commerce, ciblage marketing….), l’expérience digitale des spectateurs (appli mobile avec des fonctionnalités de personnalisation) et l’adaptation des opérations événementielles.
“La donnée est transversale et peut nous aider sur de multiples aspects”, déclare Guillaume Martinetti. Paris 2024, éphémère par nature, a dû partir d’une feuille blanche pour construire son patrimoine de données et développer ses compétences.
“L'acculturation à la Data est relativement modérée dans le monde événementiel sportif, plus habitué à se baser sur l’expérience terrain”, indique le responsable Data & Analytics. “Dans un contexte qui génère énormément de données, il y a tout à construire pour réussir à l’exploiter.”
Cette construction, Paris 2024 la voulue “très pragmatique”. Le pôle Data a donc procédé à un recueil des besoins d’analyse auprès des différentes directions métiers. Il a ensuite mis en place un Data Hub, articulé autour d’un CRM et d’un Data Lake dans le cloud, et couplé à des outils d’analyse et de datavisualisation.
Une base de données de 10 millions de personnes
“L’objectif pour nous est de centraliser au même endroit un maximum de données en lien avec le spectateur pour disposer d’une vision 360°. Pour cela, nous travaillons avec des partenaires, dont Deloitte sur la conception et le développement du modèle de données dans notre CRM, clé notamment pour piloter toutes les communications spectateurs envoyées durant les Jeux.”
La collecte de données a été initiée en amont, quelques années auparavant. La première initiative a été lancée au travers de la création du Club Paris 2024, “qui a permis de créer la core base des fans”. Cette base a été affinée grâce à d’autres actions visant à identifier les centres d’intérêt et les appétences.
La billetterie est un autre levier de collecte. Guillaume Martinetti estime que dans ce domaine, le pari est réussi avec une absence de panne technique. Paris 2024 n’a en revanche pas échappé à la polémique sur les prix des billets.
“La billetterie a conduit à un triplement de la base de données. Elle nous a permis d’enrichir énormément notre connaissance du spectateur (...) Nous avons pour objectif d’atteindre une base de 10 millions de fans d’ici les jeux olympiques, ce qui en ferait la plus grande base de fans de sport en France.”
Ces données permettront différentes actions. La personnalisation, sous différentes formes, doit y tenir une place centrale. La communication sera personnalisée en 12 langues et en fonction de multiples critères. “Pour certaines communications, nous enverrons des emails en 500 versions différentes.”
Un usage modéré de l’IA et la promesse des jumeaux numériques
L’intelligence artificielle figure peu cependant dans la feuille de route technologique de Paris 2024. “En toute honnêteté, on n’en fait pas beaucoup”, reconnaît Guillaume Martinetti. “Le contexte du comité d’organisation s’y prête peu. Nous sommes une structure éphémère. Les mécanismes d’apprentissage, de machine learning, propres à l’IA sont difficiles à appliquer”, justifie-t-il.
Les usages concernent donc principalement le scoring marketing afin de mesurer l’appétence par sport à des fins de personnalisation. Le service client exploitera un chatbot et donc “des notions d’IA. Nous faisons donc un peu d’IA, mais au sein du comité cela reste limité.”
“Nous en sommes au commencement sur l’IA au sein des JO”, confirme Gilles Lucien de Deloitte, invoquant des contraintes et “des sujets à creuser”. Pour des raisons de coûts, le représentant du cabinet met en avant ses usages dans le domaine de la modélisation et des jumeaux numériques.
Un projet de modélisation mené avec la startup OnePlan constitue ainsi “une grande première (...) L’idée est d’aller plus loin en digitalisant tout le processus de planification. L’organisation des JO coûte extrêmement cher.”
Deloitte, partenaire officiel du CIO, ambitionne de réduire ces coûts, mais aussi l’impact carbone des jeux. “Les solutions d’innovation permettent de répondre à ces enjeux.” L’utilisation de OnePlan intervient dans la définition et la modélisation des sites, permanents ou non, par exemple pour l’espace destiné à accueillir les épreuves de beach volley à la Tour Eiffel.
“La modélisation numérique permet notamment de s’assurer qu’une zone de sécurité est correctement dimensionnée” ou encore de préparer le positionnement des caméras des diffuseurs, illustre Gilles Lucien.
Paris 2024 constitue une première étape de digitalisation de la planification des JO. Ces solutions doivent gagner en maturité à cette occasion pour trouver leur place lors des Jeux de Milan (2026) et de Los Angeles (2028). L’avenir du sport s’annonce donc plus numérique.
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