L’approche bottom-up du groupe Rocher sur la GenAI, une phase de transition
Avec un Secure GPT pour démarrer, de l’idéation métiers et un budget de 200K€, Groupe Rocher a posé les bases de premiers cas d’usage de la GenAI. La prochaine phase sera plus Top-Down.
C’est un poncif désormais. L’intelligence artificielle générative a joué un rôle majeur dans la démocratisation de l’IA. Le métaverse n’a sans doute pas connu un tel effet, souligne Nicolas de Bellefonds, directeur associé du Boston Consulting Group (BCG).
“Je ne connais pas beaucoup de CEO qui passaient leur journée sur Roblox ou sur n’importe quel autre univers du metavers. Certains avaient acheté des NFT… et s’en mordent les doigts”. L’arrivée de ChatGPT aurait ainsi marqué une rupture.
L’utilisation de la GenAI se massive, sans toujours les CEO
“Là on avait une technologie accessible à l’ensemble des dirigeants et utilisable dans leur quotidien de manière puissante, mais qui en outre dès début 2023 fonctionnait”, commente le dirigeant du cabinet de conseil.

Depuis deux ans, l’adoption a fortement progressé, poursuit-il. Entre fin-2023 et mi-2024, le taux d’adoption parmi les collaborateurs passait de 20 à 50% d’après une étude réalisée par le BCG. Pour mi-2025, le chiffre pourrait avoisiner les 70% de collaborateurs utilisant la GenAI dans leur quotidien.
Les dirigeants ne sont cependant pas les principaux utilisateurs de ces outils, note Nicolas de Bellefonds. Et “cela pose problème pour la compréhension et le pilotage de l’adoption”, prévient-il. Cette implication s’impose pourtant pour franchir l’étape du “désespoir”.
Le déploiement de la GenAI n’est pas magique et requiert de cocher des prérequis, signale le consultant. Parmi ceux-ci, un travail sur les données et la conduite du changement. A défaut, les décideurs constatent que les investissements réalisés ne débouchent pas sur des ROI.
“Généralement, il y a un point de bascule où les dirigeants reprennent la main et dirigent littéralement les investissements sur des sujets qui auront véritablement un ROI. Ce passage-là permet ensuite de démultiplier l’adoption et les investissements.”
Des usages “très pragmatiques, très actionnables” chez Rocher
Au sein du Groupe Rocher - propriétaire de huit marques dans les cosmétiques (Yves Rocher, Arbonne, Dr Pierre Ricaud…) et le textile (Petit Bateau), le CEO Jean-David Schwartz affiche son implication dans la stratégie GenAI.
Les débuts de l’entreprise ont toutefois été assez classiques, “un peu comme tout le monde”, reconnaît le patron. “Nous sommes tous sollicités, constamment, par l’écosystème de partenaires et de consultants.”
Il a néanmoins fallu aller au-delà des discours commerciaux et des promesses. “Très rapidement, nous avons vu qu’il y avait des choses très pragmatiques, très actionnables”, ajoute-il. Restait à traduire ces intentions et perceptions.
Le pragmatisme passait notamment par la définition d’un cadre d’utilisation et par la sécurisation des usages, en particulier afin de protéger les données sensibles. Comme dans d’autres organisations, chez Rocher, l’utilisation a démarré “par le bas” et la recherche de cas d’usage par les collaborateurs eux-mêmes.
Pour ne pas freiner l’adoption, l’entreprise s’est classiquement dotée d’un Secure GPT, de type ChatGPT hébergée sur une instance cloud dédiée. Son but : préserver la confidentialité, mais aussi adresser un grand nombre de cas d’usage (environ 50%, évalue Jean-David Schwartz).
Un Secure GPT suffisant pour traiter 50% des usages
“Aujourd’hui, une grande partie de nos utilisations sont gérables par Secure GPT (...) sans devoir aller chercher une nouvelle solution.” Cette approche présente ainsi l’intérêt de favoriser une maîtrise des dépenses.
Car comme le rappelle son CEO, Rocher reste “un petit grand groupe”, c’est-à-dire “sans moyens énormes” à dédier à l’IA générative. Jean-David Schwartz fait savoir que 200.000 euros ont été investis pour accompagner ces initiatives. Rocher réalise environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Pour aligner les capacités technologiques avec les besoins, et ainsi optimiser son investissement, l’entreprise a opté pour une démarche “bottom up” qualifiée de pragmatique. “Les métiers savent comment cela fonctionne”, justifie le PDG.
Pour l’expérimentation et la remontée des cas d’usage, le groupe s’est appuyé sur des IA Champions dans les métiers, des collaborateurs “volontaires”. Charge à la dizaine de champions d’animer la “petite communauté” ainsi constituée autour de journées d’idéation et d’exploration de cas d’usage.
Les usages ont été approfondis et filtrés pour en réduire le nombre. Quant à la direction, “elle a accompagné ce mouvement, un peu financièrement.” Jean-David Schwartz juge les résultats, “très concrets, avec du ROI”, satisfaisants. Et dans le retail, “un métier de centimier”, chaque euro ou centime compte.
Le CEO siège au comité de gouvernance mensuel
Pour évaluer la valeur des projets, Rocher mobilise une “logique ROI assez classique” consistant à mesurer l’impact par cas d’usage et sa difficulté. Les décisions reposent sur une gouvernance à laquelle participe le CEO. “Le fait que le DG s’implique, c’est le signal pour l’organisation que c’est important”, juge Jean-David Schwartz.
Chaque mois, un comité de gouvernance passe en revue les cas d’usage et arbitre. Parmi les 200 cas d’usage identifiés lors de la phase d’idéation par les métiers, seuls deux à trois par métier ont été conservés. Une prochaine étape est désormais en ligne de mire.
Les applications de la GenAI retenues offrent des “ROI très courts”. Le CEO vise “des games changers”, qui pour être atteints nécessitent une démarche plus structurée. “Il faudra être un peu plus top down, mettre plus de moyens sur des choses plus impactantes.”
Optimiser, accélérer de l’existant, c’était la première étape. La nouvelle vise à développer” des cas d’usage qui vont changer le métier”, par exemple dans le domaine de la R&D en cosmétique - à l’image des initiatives prises chez L’Oréal.
Avec du prédictif, Rocher prévoit de repenser la conception de produits et donc “de changer complètement le métier de formulateur”, la mesure de l’innocuité, les tests, etc. “On est véritablement dans le game changer. Ce n’est pas seulement optimiser.”
Data et organisation Data conditions de succès
La profondeur de la transformation (métiers, compétences, organisation, processus…) impose l’engagement des dirigeants et un accompagnement. Jean-David Schwartz le reconnaît, la GenAI génère des sentiments contradictoires parmi les équipes, “attraction repoussoir.”
Le dirigeant insiste également sur l’importance de la donnée. La Data “est le prérequis”, et certains projets doivent être retardés lorsque la donnée fait défaut ou ne présente pas les caractéristiques requises.
L’organisation est un autre facteur essentiel. Rocher souhaite d’ailleurs migrer d’une direction Data centralisée vers un modèle fédéré avec des Data Officers par métier. Ce fonctionnement, inspiré du Data Mesh, se diffuse dans les entreprises, par exemple chez TotalEnergies, Axa ou Pierre Fabre.
Le CEO souligne néanmoins la complexité inhérente à la conduite de projets en IA générative. De l’idéation, y compris pour des usages “assez simples” et pragmatiques, à la mise en production, “ce n’est pas si simple.”
Jean-David Schwartz recommande donc de se concentrer sur un nombre réduits de cas d’usage, mais “de les faire bien”. C’est à cette condition qu’il est ensuite possible de tirer profit de la maturité acquise pour s’attaquer à des “games changers”, autrement plus complexes et impactants.
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