Le groupe Rocher fédère IT et métiers autour de Produits Data
Propriétaire d’Yves Rocher, le groupe a d’abord axé ses efforts Data sur la réconciliation de la donnée clientes. Il déploie à présent ses projets, y compris IA, à l’échelle dans plusieurs pays.
Quoi de mieux que la donnée pour fédérer un groupe comptant huit marques, dans les cosmétiques (Yves Rocher, Arbonne, Dr Pierre Ricaud…), mais aussi dans le textile au travers de l’enseigne Petit Bateau.
Au sein de l’entreprise, la Data n’est pas seulement l’affaire d’experts des technologies, même si le pôle Data, IA et CRM est intégré à sa DSI. D’ailleurs, les investissements “significatifs” décidés au démarrage ont clairement été mis au service du business et de sa topline.
Des débuts pour reconstituer une vision complète du comportement client
Comme souvent dans le retail, le déclencheur a été la volonté d’unifier la vision cliente. “Historiquement, les canaux de distribution du groupe étaient très silotés (...) C’est donc tout le système d’information qui était siloté”, explique David Ramond, directeur Data, IA & CRM.
La première motivation du groupe consistait par conséquent à “reconstituer une vision complète du comportement cliente et à en tirer profit pour mieux la servir et mieux communiquer avec elle, par exemple.”
L’expert tire un bilan satisfaisant des transformations menées au cours des dernières années, même s’il reconnaît “un début difficile” en 2020. Groupe Rocher n’est cependant pas le seul à témoigner de difficultés.
Sponsoring - La Matinale Data & IA 2024 est organisée par Orange Business et animée par Mick LEVY. Témoigneront Antoine Carette, Directeur de la Donnée d'IDF, Luc Barnaud, CDO du Groupe BPCE, et Clara THIBAULT, Chief Data & Analytics Officer Laboratoires Pierre Fabre
➡️ Pour consulter le programme et s'inscrire, c'est ici : https://analytics-eu.clickdimensions.com/businessdecisioncom-ahyhd/pages/yfzuypt1eekaganoidlzg.html?PageId=ca54f6c9759bef118a6a000d3a20cbce
Elles s’expliquent en grande partie par la nécessité de mener de concert plusieurs mutations et de natures diverses : acculturation, organisation, méthode projet, socles technologiques.
“La marche a été très haute”, témoigne le directeur Data lors de Big Data & AI Paris 2024. La maturité de l’entreprise lui permet à présent de piloter une phase de passage à l’échelle au travers du déploiement “d’une vision et d’une stack Data & CRM sur une douzaine de marques et pays.”
Une maturité permettant passage à l’échelle et nouveaux Data Domains
Le groupe étend en outre sa politique Data à des domaines supplémentaires (logistique et finance en particulier) et à de nouvelles marques. Cette progressivité lui permet de “capitaliser sur les assets que nous fabriquons, technologiques et organisationnels.”
Côté stack technique, le principal chantier a consisté à migrer sur le cloud public avec GCP dans l’ambition “de profiter de toutes les capacités de cet écosystème pour manipuler de la donnée à l’échelle.”
Au niveau organisationnel, Groupe Rocher a opté là aussi pour une rupture afin de repenser “la manière dont l’IT et les métiers travaillent ensemble.” David Ramond en fait un facteur essentiel de la réussite des projets Data.
S’est donc opérée une transition d’une relation client-fournisseur à “un vrai partenariat”. La transformation se concrétise ici par la création de binômes IT et métiers dans le but de développer des Produits Data.
La promesse d’un nouveau modèle et d’un partenariat véritable n’est cependant pas nouvelle. Pour en déterminer la réalité et l’efficacité, il convient donc de mesurer grâce à des indicateurs objectifs. Et ils sont bien au rendez-vous, apprécie le directeur Data & IA.
“Nous parvenons à livrer à l’échelle, en temps et en heure. Cela ne s’est pas fait en un jour. Mais aujourd’hui, nous le devons justement, d’un point de vue humain, à la mise en place de ces binômes métier-IT, qui fonctionnent très bien.”
IT et métiers alignés sur une démarche Data Products
David Ramond le souligne, la complexité s’est concentrée au départ sur la mise en place d’une organisation par produit. Il a fallu redéfinir et s’entendre sur le sens d’un produit Data et composer des équipes responsables de la roadmap des différents produits. L’adoption du mode produit a été rendu possible par une phase d’acculturation de l’IT comme des métiers
Cette démarche, qui place “l’usage avant la techno”, l’acteur a pu l’appliquer à son premier cas d’usage axé sur l’optimisation du CRM et portant sur l’optimisation des coûts médias. Avec 8 millions de clientes en France, les dépenses médias annuelles sont conséquentes.
“L’amélioration de notre seule lettre Yves Rocher en fonction de l’appétence des clientes selon les différents médias a permis de financer une grande partie du projet”.
Cela n’a pas été l’unique bénéfice. Le projet a contribué à convaincre les décideurs de l’apport de la Data et de son potentiel de valeur.
En complément des actions menées sur l'optimisation de la connaissance clientes et des campagnes marketing, le groupe a “amélioré sa façon de mesurer la performance business” via des projets axés datavisualisation et décisionnel.
Mais la transformation la plus profonde consiste sans doute à basculer d’une BI classique basée sur une forte contribution de l’IT à un modèle reposant sur une plus grande autonomie des utilisateurs, c’est-à-dire la self-analytics.
La gouvernance pour éviter les écueils d’une transition vers la self-analytics
La transition n’est pas simple et débouche souvent sur de la self-BI non gouvernée conduisant à la multiplications de KPI et de “vérités”. L’orientation prise par le groupe vise donc à migrer “des centaines de cas d’usage” de Business Object vers un nouvel outil (tableau).
Toutefois, la rupture réside avant tout dans le rôle accordé aux métiers, “remis au centre” et impliqué dans la qualité des données et des dashboards pour créer de la confiance dans la Data. L’IT accompagne les utilisateurs dans ce “changement de paradigme” et définit avec le métier une gouvernance commune.
A noter qu’une équipe métier est déjà en charge de la gouvernance de la donnée clients, dont le pilotage de sa qualité et de sa conformité. Précisons que cette donnée est centralisée au sein d’une CDP, une Customer Data Platform. Celle-ci distribue également la donnée vers les différents systèmes opérationnels
“Le sujet global de la gouvernance n’est pas encore refermé”. Mais il est critique pour s’assurer que chaque département “ne recrée pas une vérité alternative sur des KPI”. La tâche est complexe. La gouvernance a notamment pour objectif de définir un langage métier pour la mesure de la performance et les objets Data manipulés, “la couche sémantique.”
“Nous ne sommes pas encore certain de la manière d’implémenter cette couche sémantique et de la faire vivre. C’est un véritable débat. Cela peut être très chronophage de faire accoucher tout le monde d’une définition commune et de la maintenir dans le temps”, confie David Ramond.
L’analytics conversationnel : une ambition sur la GenAI
La concertation est pourtant clé pour permettre un passage à l’échelle en 2025 de la datavisualisation “en évitant de recréer sans cesse des KPI”. Pour résoudre cette problématique agnostique des outils, l’entreprise s’appuie en partie sur les capacités natives de Tableau en data gouvernance pour rendre accessibles les KPI et tableaux de bord de référence des services métiers.
Toujours dans le domaine de la donnée décisionnelle, Groupe Rocher explore une application de l’IA générative : l’analytics conversationnel, soit la possibilité d’interagir avec les outils de BI (ou les bases elles-mêmes) en langage naturel.
Ces usages peuvent être déployés grâce notamment aux fonctions embarquées dans Tableau et BigQuery. “Des développements assez simples” sont aussi une piste pour faciliter l’interrogation de la donnée, par exemple pour un collaborateur en magasin via un smartphone.
La démocratisation n’est pas pour tout de suite et s’avère complexe, témoigne le directeur Data. L’interrogation directe via un prompt, traduit ensuite en SQL, “induit des hallucinations”, explique-t-il. Cadrage et supervision du bot et des résultats remontés s’imposent.
Une piste consisterait à connecter prompt et définition métier, définition qui ensuite génèrerait du SQL pour requêter les bases de données. La R&D planche sur ce scénario dont l’ambition est de rendre le décisionnel accessible à tous et de généraliser la prise de décision basée sur la Data, là où la formation (Tableau et SQL) ne touche qu’une partie des utilisateurs.
“L’analytics conversationnel a ce potentiel, avec pour l’instant beaucoup de défauts (...) et sans remplacer le dashboard classique (...) C’est complémentaire et ouvre le champ des possibles”, juge David Ramond, qui ajoute que la question du make or buy reste ouverte sur ce sujet.
Le coup de pouce GenAI au programme IA de Groupe Rocher
L’IA, plus largement, représente un thème montant dans le groupe. Le cadre nuance la maturité actuelle de l’entreprise sur l’IA. “Nous en avons fait un peu, mais à petite échelle”, en raison notamment “d’un manque de visibilité sur l’apport de l’IA”, explique-t-il. Du moins, “cela, c’était avant”, ajoute-il.
La GenAI est passée dans le groupe aussi, “frappant les esprits”, en particulier au sein du Comex. L’IA générative a ainsi permis de tirer l’IA classique en acculturant le métier sur les capacités de ses outils.
Les technologies d’IA sont donc classiquement mises à contribution de l’optimisation de l’existant (ouverture des campagnes, des chaînes de distribution, de la production, etc) et de la recherche de gains de productivité et de performance des équipes.
Pour transformer ces promesses en valeur tangible, Groupe Rocher vient de lancer un programme IA à l’échelle piloté par une instance nouvelle : l’AI Inside Board. Un volet gouvernance doit se mettre en place et des cas d’usage sélectionnés.
Un budget groupe a été établi. Il financera les projets présentés par les AI Champions nommés dans chaque métier. Seront retenus des cas d’usage pour une phase de PoC. Après démonstration de la valeur, ils seront passés à l’échelle.
David Ramond prône un équilibre pour compenser les biais d’une “démarche hyper ROIste”. L'inconvénient de la méthode peut être de freiner le test & learn comme la prise de risque sur les cas d’usage, prévient-il.
Le directeur Data préconise en parallèle de graduer les investissements grâce à une approche en trois temps : le lab, peu coûteux en termes d’infrastructure et de services IT; un mode MVP dans un environnement en partie industrialisé; enfin l’industrialisation de bout-en-bout avec monitoring des processus lorsque les conditions IT et business sont réunies.
Les analyses et actualités Data & IA
Comment la région Ile-de-France s’attaque aux défis de l’IA de confiance - Depuis 2023, la région Ile-de-France pilote des développement en intelligence artificielle et GenAI dans le cadre d’une démarche d’IA de confiance en collaboration avec Orange Business et LightOn. Et pas question de réserver les usages à l’interne et à la productivité.
BNP Paribas investit dans le potentiel de la GenAI - Le groupe BNP Paribas revendique 780 cas d’usage de l’IA déployés en production. Il en vise 1 000 dès 2025. Mais le CDO Hugues Even insiste sur l’importance de construire une courbe d’apprentissage et sur la nécessité de focaliser les efforts.
Bulle de l’IA générative : un arbre qui cache la forêt de l’intelligence artificielle ? - L’IA générative est à la mode. Mais elle n’est pas la réponse à tous les problèmes, prévient le président du spécialiste de l'IA et de la data science Ekimetrics. Lors d’un débat sur l’hypothèse d’une bulle spéculative, il plaide pour plus de lucidité. Y compris sur les gains de productivité à attendre.
IA, RSE, talents : les grands défis des sociétés de conseil en France - Dans un contexte politique et économique complexe, ESN & ICT sont confrontées à un ralentissement de la croissance. Mais pour Numeum et KPMG, les entreprises doivent néanmoins déployer des stratégies offensives où l’IA, l’ESG et la gestion des RH occupent une place importante.
Le techno discernement seul recours pour maîtriser l’impact de la GenAI - Les externalités négatives de l’IA sont exorbitantes, s’inquiète Fabrice Bonnifet, directeur Développement Durable & QSE du Groupe Bouygues. Il appelle à résister à la tentation du mésusage de l’IA.
La Caisse des Dépôts passe à ArchiGPT v2, son assistant génératif - Le groupe Caisse des Dépôts inscrit l’IA générative dans le quotidien de ses collaborateurs au travers de son assistant ArchiGPT, désormais en version 2.0. L’outil couvre de multiples usages comme le résumé de document et la création d’images.
GenAI : LightOn parie sur souveraineté et personnalisation pour exister - LightOn se prépare à entrer en bourse sur Euronext afin de financer son développement dans l’IA générative. Son différenciateur sur le marché : des solutions Forge et Paradigm qualifiées de souveraines et personnalisées.
Pourquoi et comment me contacter ?
Vous êtes CDO, experts de la Data et de l’IA dans une organisation utilisatrice et vous souhaitez partager un retour d’expérience ou mettre en lumière une thématique ? Alors contactez-moi sur LinkedIn.
Vous êtes fournisseur, société de conseil ou éditeur et vous souhaitez proposer du contenu qualitatif à une audience ciblée en figurant dans la newsletter Secrets de Data ? Discutons-en ! [Offre payante]