GenAI dans l’assurance : de la réaction aux actions pour déployer et passer à l’échelle
Les assureurs se sont emparés de ces technologies, à l’image de BPCE Assurances, du groupe Vyv et de la Macif. A chacun ses usages prioritaires, mais des points communs sur la culture et la frugalité.
Au sein du groupe BPCE, le cheminement sur l’IA générative peut se décomposer en “deux grands moments”, considère Nofel Goulli, DG délégué de BPCE Assurances. Le premier a été celui de la réflexion, voire plutôt de la “réaction” vis-à-vis du potentiel, ainsi que de “l’enthousiasme un peu excessif” suscité, témoignait-il lors d’AI for Finance 2024.
De cette première phase sont ressortis deux axes principaux : l’acculturation (au travers notamment de la mise en place à l’été 2023 d’un LLM sécurisé, qui en octobre 2024 était utilisé par 20.000 collaborateurs) et l’identification de cas d’usage (“qui puissent être assez rapidement réalisables).
Sortir rapidement de l’effet waouh de l’IAGen
Cette politique groupe a été déclinée au niveau de la division Assurances de BPCE au travers d’une “spécialisation” ou “d’une démarche customisée au niveau humain”. BPCE Assurances revendique un “plan de déploiement” articulé autour de la formation et d’un référentiel de prompts, et de l’identification de use cases.
La première application concrète de la GenAI a consisté à migrer un “knowledge bot existant” basé sur des techniques classiques d’IA”. En production, la nouvelle version fait donc appel à des briques d’IA générative.
BPCE Assurances n’entend pas s’arrêter là puisqu’elle a défini une feuille de route à quatre ans tirant profit de la dynamique au niveau groupe. Pour autant, la roadmap n’est pas focalisée sur la GenAI, et plus largement “les sujets de Data et d’IA.”
Du côté de Vyv (groupe comprenant notamment MGEN et Harmonie Mutuelle), des mesures orientées IA générative ont aussi été initiées. Pour Anne Gradvohl, sa directrice de l’innovation, il s’agissait de “sortir rapidement de l’effet waouh pour en comprendre les usages”, pour cela en se rapprochant des métiers.
Le groupe a en outre mis en place une communauté, en collaboration avec le Chief Data Officer de MGEN, Aurélien Barthe. Ce copilotage à deux têtes assure de bénéficier “d’une vision métier, avec la Data au cœur des sujets et enjeux, et d’explorer les usages au plus profond de nos trois verticales métiers”, décrit Anne Gradvohl.
Une taskforce d’experts complétée par des cercles métiers
A la Macif, une “première base de gouvernance” a été posée en 2023 avec la création d’un groupe de travail dédié à l’IA et réunissant une vingtaine d’experts du domaine. Début 2024, le groupe été “révisé” au profit d’une “taskforce d’une dizaine de collaborateurs, toujours des experts.”
Autour de ce noyau dur gravitent “des cercles”, dont un intégrant les métiers du contrôle (juridique, DPO, conformité, risques…). S’y ajoute un second cercle “plus métiers” avec pour mission d’être “des ambassadeurs et de remonter des cas d’usages”, détaille Siham Harroussi, Head of innovation de la Macif.
Outre le modèle de gouvernance, l’assureur a mis l’accent sur l’acculturation, présentée comme “le premier challenge” et visant à “toucher l’ensemble des collaborateurs. En tout cas le maximum”. Sa représentante fait aussi état d’initiatives au niveau des architectures IT.
La DSI fait en effet partie de la taskforce, aux côtés de la Data et de l’innovation. “Nous avons travaillé aussi sur le parcours open innovation, adapté avec l’ajout d’un parcours dédié à l’IA et spécifiquement au sujet d’IA générative.”
En synthèse, la Macif a construit des fondamentaux en termes d’organisation et conçu une feuille de route à 4 ans. L’objectif : “passer de la structuration et de l’expérimentation à un sujet d’anticipation de l’industrialisation de l’IA générative.”
Mutualisation et consolidation de la vision GenAI pour Vyv
Vyv, aussi, a choisi de réunir dans sa taskforce des profils essentiellement Tech (Data, IT & Innovation), mais d’y adjoindre cependant des profils RH. Leur participation a pour but de mesurer et anticiper les impacts sur l’organisation de l’IA générative, explique Anne Gradvohl.
Les métiers, quant à eux, sont en contact avec des membres du groupe de travail. C’est par leur intermédiaire que sont, par exemple, remontés les cas d’usage. La taskforce a aussi pour missions de monter en compétence, d’acculturer, partager une veille commune et une méthode d’identification et de priorisation des cas d’usage.
Autre prérogative : “consolider une vision pour le Comex” fondée notamment sur une même méthode de calcul de la valeur. Pour la directrice innovation de Vyv, il s’agit par ce biais de permettre les comparaisons et “une approche homogène et compréhensible de la trajectoire IAG pour l’ensemble du groupe.”
Le déploiement de la GenAI dans l’assurance, c’est certes de la méthode, mais c’est aussi des défis. Pour Siham Harroussi, ce sont en particulier la sécurité et la régulation. Sur les risques, la Macif s’est dotée d’une sandbox “pour expérimenter, vite, mais dans un environnement sécurisé.”
Pour maîtriser les risques réglementaires, l’entreprise s’est donc appuyée sur les fonctions du contrôle intégrée à sa taskforce pour formaliser “une matrice de risques”. Le 3e défi identifié découle “du fort engouement” pour les technologies génératives. Un engouement souvent tiré “par des usages personnels.”
“En innovation, on arrive généralement avec des problématiques, des irritants (...) Là, nous avions des métiers qui arrivaient avec des solutions sans avoir étudié auparavant si l’IA était véritablement la réponse.”
Une seconde étape d’ancrage de la culture des usages dans le quotidien
Le challenge consiste à sensibiliser et acculturer, mais également à rappeler que l’IA pour l’IA n’est pas une trajectoire en soi. “Nous ferons de l’IA lorsque cela fait sens. On étudie d’abord le problème et ensuite on détermine si l’IA peut apporter une réponse”, insiste Siham Harroussi.
L’acculturation vise en partie à répondre à ce biais à l’égard de la GenAI. Nofel Goulli de BPCE Assurances souligne par ailleurs que ce volet acculturation n’est pas figé. Ses contours évoluent. Aux formations initiales, notamment sur le prompting, doit succéder “une seconde étape d’ancrage de la culture des usages” dans le quotidien des collaborateurs.
Pour favoriser cet ancrage de l’IA, et dans une “logique de proximité”, BPCE a désigné des ambassadeurs dans l’ensemble de ses directions. Et leur mission devrait probablement se poursuivre au cours des “2 à 3 ans à venir”.
La proximité auprès des collaborateurs vise à s’assurer de la mise en place “d’un rituel d’utilisation de ces technologies” et du recueil “d’un feeback nous permettant de nous adapter”, justifie le DG délégué. Le retour terrain a en particulier pour but de passer de la théorie à “la vie réelle” des usages d’IA et d’IAGen.
Vyv ambitionne également d’opérer une transition de l’exploration vers la vie réelle. Dans cette perspective, le Lab IA créé au sein de MGEN est amené à être étendu à l'échelle du groupe. La structure planche sur l’exploration et l’industrialisation “des projets ambitieux” en exploitant les actifs technologiques, dont la plateforme S3NS.
BPCE a déniché sa pépite GenAI en 2024
Sur les aspects humains, Vyv va là aussi s’appuyer sur les actions initiées par la MGEN avec le lancement d’une Data & IA Académie. Cette dernière passe à l’échelle du groupe. Et la finalité dépasse largement l’enjeu de l’acculturation. Le but est de diffuser des compétences Data & IA dans les directions SI et métiers.
Pour créer de la valeur grâce à la GenAI, les assureurs ont besoin de compétences et de fondations, mais surtout de cas d’usage. Pour BPCE Assurances, qui a choisi des cas rapides en termes de déploiement, la “pépite de 2024”, c’est le compte-rendu post-appel généré en live.
L’application était en production en septembre 2024 et en “phase de ramp-up”, avec des résultats “incroyables”. D’après Nofel Goulli, la synthèse d’appel produite par le modèle est “100% exacte”. Le compte-rendu est cependant complété “à hauteur de 40%” par les collaborateurs des centres d’appels.
Les salariés se montreraient très attachés à la solution, sans exprimer de craintes pour leur emploi, ajoute le dirigeant de BPCE. A noter que les comptes-rendus ont été adaptés. Auparavant rédigés au format texte libre, ils sont désormais proposés dans un format “structuré” et “standardisé” (demande, client, action de l’agent, conclusion…), sans doute plus adapté à la machine.
“Je suis très enthousiaste. C’est véritablement la réussite de l’année et ce sur quoi nous souhaitons capitaliser au service des collaborateurs et des clients”, se félicite le cadre de BPCE Assurances.
Des projets sont prévus au niveau du back et du middle-office en 2025, notamment autour de l’exploitation documentaire (pour le juridique et la conformité, par exemple, mais aussi pour la direction des investissements sur l’assurance-vie).
“Il y a aussi toute l’exploitation des écrits pour lesquels on pense que l’IA et l’IAGen vont nous amener des choses”, note Nofel Goulli, qui se réjouit par ailleurs du rôle joué par l’IA générative dans la démocratisation de l’IA et de la Data. La GenAI constitue un facilitateur pour ces projets, “nombreux” actuellement dans le groupe.
L’enjeu pour demain de l’IAGen : l’impact environnemental
En matière d’usages, la Macif cite quant à elle l’assistance au développement pour les équipes front et back. Siham Harroussi reconnaît la spécificité de ce projet destiné à des profils Tech, c’est-à-dire présentant une forte appétence.
L’expérimentation de l’assistance au coding concerne en outre une petite population. Elle a été initiée auprès de 5 développeurs. En septembre, elle était étendue à une vingtaine d’entre eux. Au-delà des gains de productivité, la directrice innovation y voit un facteur d’attractivité.
La Macif entend à court et moyen terme, dans le cadre de la GPEC, gérer la montée en compétences de ses collaborateurs dans leurs métiers, et ainsi aller au-delà de la sensibilisation et de la formation à l’IA générative.
“Le 2e enjeu pour demain, c’est l’impact environnemental”, mentionne Siham Harroussi. La frugalité de l’IA est un thème abordé au sein de l’IT, mais aussi par de la sensibilisation auprès des métiers, indique-t-elle.
S’y ajoute enfin le thème de l’éthique et sa déclinaison au plan opérationnel afin de fixer un cadre éthique adapté à un groupe mutualiste et garantir la conformité des cas d’usage avec ce cadre. Nofel Goulli attire lui l’attention sur le FinOps, les problématiques d’administration des nouvelles technologies et le positionnement par rapport à l’IT.
“Sans Data, il n’y pas d’IA générative”
“L’intelligence générative devient in fine un composant dans votre système d’information, sauf que ce composant n’a pas été développé par l’IT, mais par des Data Scientists et experts en IA (...) Il y a une vraie réflexion à avoir autour de l’articulation” des briques d’IA avec le SI.
Chez Vyv, l’étape présente est “un temps deux, plus structuré, autour d’un pilotage de projets” favorisant les mutualisations possibles entre les entités du groupe. La mutualisation souhaitée est à la fois méthodologique et technologique, indique Anne Gradvohl.
L’assureur souhaite par ailleurs “monter à l’échelle sur les enjeux d’éthique”, centraux pour un groupe mutualiste comme la Macif. Sur l’impact, Vyv prévoit de disposer d’une vision claire, grâce notamment à des éco-scores et à une réflexion sur les modèles.
Vyv n’oublie pas l’industrialisation. La phase deux enclenchée par le groupe, c’est donc structurer une organisation “pour passer à l’échelle”, organisation qui englobe notamment l’architecture, ainsi que le réglementaire, les risques, et la Data. “Sans Data, il n’y pas d’IA générative”, conclut Anne Gradvohl.
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