L’IAGen, un si formidable outil de démocratisation de l’IA ?
ChatGPT a mis l’IA à portée de main des particuliers et des salariés. Pour autant, la démocratisation de l’IA, poursuivie par l’IA générative, s’accompagne de précautions particulières.
ChatGPT a été lancé en novembre 2022. Diffusé largement auprès des internautes, l’outil d’OpenAI a permis à nombre de salariés d’interagir avec un modèle d’intelligence artificielle générative. Résultat, l’IA “n’est plus juste l’affaire du chief data officer et de ses équipes ou de l’innovation officer”, reconnaît Jean-Christophe Leboucher, CDO Afflelou.
“Tout le monde devient appétant à l’IA et peut s’interroger sur la manière dont elle transformera demain les métiers”. L’enthousiasme des débuts a cependant été rattrapé par quelques réalités, comme le lancement de Grok, un ChatGPT voulu anti-woke par Elon Musk. Cette orientation ne constitue pas une attente du monde professionnel.
Des applications locales et orientées valeur chez Afflelou
Pour le CDO d’Afflelou, pas question en effet de recourir à de telles solutions. Et l’AI Act est une des raisons des distances prises vis-à-vis de ces modèles. Jean-Christophe Leboucher rappelle le principe d’ownership prévu par le texte européen et qui donne obligation aux entreprises de maîtriser les modèles exploités, sur les sources, les usages et les résultats.
“On ne s’interdit pas d'utiliser des modèles grand-public. Dans mes équipes, nous utilisons ainsi beaucoup les assistants pour écrire du code et des squelettes de code, amassant ainsi beaucoup de données externes”, témoigne le directeur Data.
Mais celui-ci de préciser que les données ainsi générées sont supervisées par un Data Engineer “qui vient apporter le standard Afflelou dessus.” L’acteur revendique une approche qualifiée de “locale” et orientée sur la valeur.
“On peut en théorie disrupter tous les métiers”, témoigne-t-il. Des priorités doivent cependant être établies et des moyens alloués. Grâce à l’allocation de moyens “corrects, mais non considérables”, il s’agit donc de dégager des résultats sur la valeur, dont le gain de temps, ainsi que sur la construction du modèle.
“Nous allons plutôt travailler des systèmes experts. Il faut que nous puissions à la fin évaluer le résultat du modèle. Nous mettons ainsi en place une organisation et aucune initiative n’est lancée sans sponsorship métier très fort. Il est impératif de disposer d’un système d’évaluation au main du métier pour noter le résultat fourni et garantir que le modèle n’hallucine pas.”
Valeur et sponsoring constituent les déclencheurs d’un projet IAGen. Charge ensuite au Data Office de mettre en place le modèle, de le maintenir dans le temps et de contrôler les données en entrée - notamment pour des raisons de conformité avec la réglementation.
Une démocratisation antérieure à l’IA générative
Sur cette base, Afflelou a lancé de premières initiatives en matière d’IA générative. Mais l’industriel n’a pas délaissé les autres domaines de l’IA. Computer Vision et Machine Learning représentent ainsi des champs de développement pour l’entreprise. IA traditionnelle et IAGen sont travaillées en parallèle.
“C’est central dans notre réflexion. Il s’agit de déterminer le bon produit afin de délivrer toute la valeur attendue par le métier”, souligne Jean-Christophe Leboucher. Une approche partagée par Clémence Panet Amaro, Directrice Data au sein de La Banque Postale.
“L’IA, ce n’est pas que l’IA générative”. La démocratisation de l’IA est donc antérieure à son émergence au travers de ChatGPT. “L’IA ancienne génération a encore de l’avenir”, en référence à la Data Science et au développement de modèles de Machine Learning et de Deep Learning, déjà éprouvés par les banques.
Scoring marketing, personnalisation, maîtrise des risques, lutte contre la fraude… Les entreprises de la finance ont fait évoluer leur arsenal au fil des années pour embarquer des outils apprenants comme le ML. Cette montée en maturité progressive a ainsi permis de poser de premiers jalons en termes de démocratisation.
Et ce travail se poursuit afin notamment de lever des freins humains et culturels. La formation contribue à accompagner ces transformations. “Nous avons déjà fait beaucoup sur le volet humain : retours d’expérience, formation, acculturation, cela à tous les niveaux, des dirigeants aux opérationnels”, signale Clémence Panet Amaro.
Les actions ont aussi porté sur le volet technologique afin de faire cohabiter de nouvelles solutions et l’existant. Ces initiatives ne sont pas remises en cause. Au contraire, “elles sont utiles pour demain développer et intégrer les IA génératives”, justifie la directrice Data.
L’intégration de l’IAGen se prépare : humain, tech et conformité
La préparation à l’implémentation de l’IAGen doit aussi prendre en compte les enjeux réglementaires et de confiance. Dans ce domaine, La Banque Postale revendique des mesures axées sur l’explicabilité, mais aussi sur la recherche et lutte contre les biais.
L’IAGen ne doit pas se traduire par une remise en cause de la politique engagée en faveur de l’IA éthique et de confiance. A cette fin, La Banque Postale a d’ailleurs investi dans une Deep Tech de l’IA, Numalis, positionnée sur l’explicabilité et la robustesse des algorithmes.
L’IA générative a permis de toucher une audience considérablement plus large que par le passé. Mais Clémence Panet Amaro craint que la compréhension de l’IA ne soit trop vite assimilée au seul ChatGPT.
“C’est peut-être réducteur, mais cela a le mérite d’avoir permis de démontrer ce qu’il est possible de faire avec l’IA”, réagit-elle. L’accent doit à présent être mis sur un travail d’approfondissement sur le fonctionnement des IA génératives, notamment concernant les risques d’hallucinations.
La Banque Postale, au travers de la direction Data groupe transverse, mène depuis 2023 des expérimentations et des investigations sur l’IAGen. Les finalités : identifier les cas d’usage potentiels et prioritaires, l’intégrer technologiquement au SI (un “chantier juste énorme”) et enfin garantir conformité avec la réglementation et les principes d’une IA de confiance - “un volet très important pour La Banque Postale”.
Des risques, mais aussi de “formidables opportunités” justifiant l’investissement de la banque dans le secteur de l’IAGen, ajoute Clémence Panet Amaro, par exemple sous la forme de “supers chatbots”, en remplacement des chatbots de précédente génération et au finalement assez déceptifs en termes d’expérience.
“Grâce aux outils d’IA générative, nous allons faire un pas en avant en matière de valorisation de toutes les données non structurées.” La création de données synthétiques permettra aussi de nourrir l'entraînement d’autres modèles en adéquation avec la réglementation.
Chanel, pas “Data Centric”, veut maîtriser les IA
Le Luxe aussi s’intéresse au potentiel de l’IA générative, même si Chanel n’a pas vocation à devenir Data Centric, comme en témoigne Benoît Rigaut, directeur de l’innovation technologique de la maison.
L’entreprise se revendique plus volontiers “relation client centric”. Quant à l’aspect Data, il “vise à servir de l’efficacité opérationnelle ou peut-être un processus créatif. Mais la Data est d’abord au service de”, insiste son porte-parole, pour qui ChatGPT constitue sa seconde révolution après l’émergence du Web.
Sans prétendre au statut d’entreprise Data Centric, Chanel s’intéresse néanmoins de très près à ces technologies qu’elle répartit dans trois catégories : Advanced Analytics (une “nouvelle culture” chez Chanel), Machine Learning & Deep Learning (pour “compléter l’expérience humaine” et grâce “à énormément d’acquisition de Data”) et la Generative AI.
“Ce dernier volet est génial, mais au sujet duquel il faut avouer qu’on ne sait pas quoi en faire aujourd'hui. On ne peut pas se dire que c’est une chose maîtrisée et maîtrisable”, commente Benoît Rigaut.
Pour apporter des réponses à ces interrogations partagées par tous les secteurs, Chanel mise sur plusieurs actions. La première : “donner accès aux employés”. Cette accessibilité est indispensable pour identifier “les premiers use cases”, en comprendre l’expérience d’usage comme les enjeux en termes de responsabilités (réglementaires et éthiques).
Pour favoriser cette acculturation, Chanel s’est doté d’un Secure GPT, comme c’est le cas dans de multiples entreprises via une instance Azure d’OpenAI. La maison teste par ailleurs depuis plusieurs mois la solution Copilot (Office 365) de Microsoft. Le directeur de l’innovation technologique anticipe également une incrustation croissante de l’IAGen dans les outils spécifiques de l’entreprise, comme ceux de clienteling.
Benoît Rigaut encourage en outre à s’intéresser de près aux techniques de Prompting et à développer des compétences sur les RAG (Retrieval Augmented Generation) afin “d’incruster de la connaissance structurée dans la machine sans rentrer forcément dans du fine-tuning”.
Ultime ambition : ajouter la connaissance Chanel à celle accumulée par les grands LLM du marché. “J’aimerais que cette connaissance Chanel s’insère pour nous permettre d’être vraiment nous-mêmes à l’intérieur d’un monde dessiné par les Big Tech, mais responsable et dans un mode spécifique à l’univers Data Chanel et pour nos propres usages”, conclut-il.
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