Axa France ou la symphonie invisible en Data Majeur
Dans le cadre du Programme NADiA (Nouvelle Ambition Data & iA), Axa France s’appuie sur un modèle de décentralisation gouvernée confiant la responsabilité de produits Data et de la qualité aux métiers
“L’arrivée de l’IA générative a été une sorte de sublimation de toutes les problématiques qu’on rencontre depuis plus de 15 ans. C’était la promesse absolue. Elle devait tout résoudre ; remplacer les métiers ; c’était magique”, commentait Jean-Baptiste Bouzige en novembre dernier.
Le président d’Ekimetric démontait aussitôt cette illusion. “La recette pour délivrer de l’IA générative est la même que pour délivrer de l’IA […] Il y a une méthode pour cela. Et ce n’est toujours pas clic-bouton”, rappelait-il.
IA ou GenAI, la magie n’existe pas
Chafika Chettaoui, Chief Data Officer d’Axa France, procédait à une semblable remise au clair à l’occasion du salon Big Data & AI 2024. “La réalité, c’est que cet effet magique n’existe pas”, clarifie-t-elle tout en insistant sur la “partie immergée de l’icerberg” que sont notamment l’acculturation, la qualité des données ou l’usage responsable de l’IA.
“On ne fait pas de Data pour la Data et de l’IA pour l’IA, mais pour l’ambition d’une société, avec des objectifs bien définis et un impact lui aussi bien défini”, poursuit la Chief Data Officer de l’assureur.
Réussir ses projets Data & IA, c’est donc s’atteler à leurs volets plus “invisibles”, dont celui de la mise en place d’une organisation “qui casse les silos et qui permet aux métiers, à l’IT et au Data Office de travailler ensemble.”
La traduction de ce modèle opérationnel peut prendre la forme d’analogies avec des “solistes”, les métiers maîtrisant leurs instruments et “responsables” de la description de leurs données. Mais ces solistes déroulent leur partition dans “un cadre gouverné”
“Si chacun joue seul, sans orchestration ni gouvernance, c'est le chaos”, prévient Chafika Chettaoui. La CDO fait de la concertation et la collaboration une condition sine qua non à la plus grande autonomisation des métiers.
Plus de pouvoir au business avec plus de responsabilité
Afin d’octroyer “beaucoup plus de pouvoir au business”, des prérequis sont à réunir. Le premier est celui de la culture. “Pour responsabiliser chacun sur sa donnée, nous devons accompagner par des formations, des trainings et de l’acculturation de chaque collaborateur.”
La finalité de la culture, détaille-t-elle, est ainsi d'expliquer que la qualité de la donnée n'est pas la responsabilité de l’IT ou du Data Office, “mais de chaque personne qui la génère”. Les Data Owners doivent en outre avoir conscience que les données dont ils ont la responsabilité sont consommées par d’autres acteurs de l’entreprise.
Documentation et mise en qualité permettent par ailleurs de valoriser une partie d’un actif encore souvent inexploitée. La CDO, études à l’appui, signale que bien souvent plus de 50% des données ne sont pas utilisées. Les causes sont multiples, comme les freins à l’accessibilité.
“C'est exactement cela qu'on souhaite casser par l’acculturation et la responsabilisation de chacun”, annonce Chafika Chettaoui. Pour y parvenir, métiers, Data et IT ont notamment besoin d’un langage commun, comme en musique. Cette langue commune, c’est la définition d’un client, d’un produit… en clair des définitions partagées “des objets Data”.
Second prérequis défendu par la CDO d’Axa France : la décentralisation gouvernée basée sur un paradigme dans lequel le métier construit lui-même des produits Data - mis à disposition -, mais selon des règles communes. Les produits sont d’ailleurs évalués par tous, favorisant une émulation interne, et orientant les développements futurs.
Marketplace, produits Data et nutri-score
Aux produits, réunis dans une marketplace, sont attribués une documentation et un score, à la manière d’un nutri-score (approche aussi défendue par Carrefour via un supermarché de la donnée). Les Products servent un cas d’usage. Ils peuvent également être combinés entre eux pour répondre à d’autres cas d’usage. Pour être exposé sur la plateforme, un produit doit en outre afficher un niveau de qualité suffisant.
Délimiter le terrain de jeu, les règles, relève de la responsabilité du Chief Data Officer, comparé ici à un chef d’orchestre. Il n’est cependant pas seul à arbitrer. Le Data Office collabore avec des Data Leaders nommés au sein de chacun des 13 domaines de données constitués. Chez Axa, les leaders désignés sont des cadres-dirigeants de l’entreprise.
Pour rendre la décentralisation gouvernée pérenne, il importe par ailleurs d’impliquer les ressources humaines afin d’accompagner l’attribution de responsabilités et pouvoirs nouveaux à des collaborateurs. “Nous leur donnons des moyens, mais parallèlement nous leur demandons plus de qualité dans ce qu’ils produisent.”
La mise en place d’un tel modèle suppose toutefois aussi un Chief Data Officer auréolé d’une légitimité suffisante, découlant notamment de sa capacité à fédérer, “à écouter les besoins de chacun”, ainsi qu’à valoriser un collectif - et pas seulement sa propre action ou son bilan. Le CDO est avant tout un facilitateur s’inscrivant dans la transversalité.
De la Data on Demand à la Data as Product
La CDO de l’assureur identifie enfin un troisième pilier : les technologies et les outils. Faire les bons choix dans ce domaine n’est d’ailleurs pas chose facile en raison de la profusion de solutions - qui de plus en plus se chevauchent fonctionnellement.
Et attention, si les outils (“robustes et sécurisés”) sont une condition nécessaire, ils ne constituent pas pour autant une condition suffisante”, met en garde Chafika Chettaoui. Data Office et IT doivent en outre veiller à ce que les solutions fournies aux métiers permettent un usage responsable des données.
A ce titre, les experts IT et Data bénéficient de parcours de formation adaptés pour leur permettre de suivre les évolutions technologiques rapides. L’IA générative en est aujourd’hui la parfaite illustration. Nombre d’organisations se dotent ainsi de Data & IA Academy.
“Opérer une transition de la Data on Demand à la Data as Product passe par confier le pouvoir aux métiers sur la qualité de la donnée et son usage responsable, le langage commun” et bien sûr de bons instruments (socles et outils), résume la cheffe d’orchestre d’Axa France.
A ce jour, l’assureur compte 13 domaines, pilotés par des Data Leaders. Ces rôles s’intègrent au sein d’une communauté Data Management plus large d’environ 200 personnes. La taille de la communauté est un enjeu, mais ce n’est pas le seul.
“Il faut s’assurer d’avoir les bonnes personnes aux bons niveaux”, note la CDO. De même, la qualité de la donnée n’est pas une finalité. “La qualité doit se trouver là où on en a le plus besoin”, souligne-t-elle avec pragmatisme.
Le Data Office d’Axa France se renforce
Fin 2024, le Data Office d’Axa en France a officialisé l’arrivée de nouveaux cadres et experts dans ses rangs. Ainsi, Ahmed Besbes, ex-Chief Data Officer de Direct Assurance (filiale du groupe), a pris la fonction de Head of Data Factory d’AXA France.
A noter que le nouvel arrivant recherche actuellement un(e) Engineering Manager pour prendre la responsabilité de la plateforme data sur le cloud au sein de la Data Factory. Parmi les nouvelles recrues figure également Hugo Hamad. Auparavant Head of Data de Decathlon Digital, il prend la direction de l’AI Factory de l’assureur.
Axa France devrait encore renforcer ses équipes expertes. Pour y parvenir, l’entreprise accueille en effet Massim Assoumane en tant que Senior Talent Acquisition - Référent Recrutement Data & AI.
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